Ben oui, quand on revendique un tel titre pour un blog, on assume.
Puisque la P102 a terminé sa phase de déverminage elle se doit d’honorer le nom du blog qui vous a fait connaître les détails de sa restauration. De son bloc opératoire à Montpellier jusqu’à Brusque, son lieu de vacances dans le sud-Aveyron, il y a une grosse centaine de kilomètres, alors, puisque nos grands-pères le faisaient, quoi de plus normal que de se lancer dans l’aventure.
Jusqu’à maintenant elle n'a parcouru que 300 km par tout petits bouts à l’occasion de réglages divers, mais jamais de grand trajet.
Une courroie de secours, quelques clés et pinces, un bout de fil de fer, un Opinel, des rustines, une chambre à air, de l’huile puisque le mélange ne se trouve plus aux pompes devenues rares, et les deux indispensables outils des temps modernes : le portable et la carte bleue, bien cachés parce que j’ai un peu honte. J’oubliais : un gilet jaune réfléchissant juste pour sortir de la grande ville par des voies qui risquent d’être encombrées de personnes un peu décontenancées par le comportement de cet Ovni sur ses pneus à talon qui n’accélère ni ne freine comme tout le monde.
Petite angoisse : n’ayant jamais fait de longs trajets je n’ai qu’une vague idée de sa consommation de carburant et je crains qu’elle ne soit exagérée d’autant plus que le réservoir est tout petit, je sens que tout au long du trajet je ne vais penser « qu’au plein » tandis que le monde entier pense … « Covid » (facile celle-là mais je n’ai pas pu m’en empêcher).
Je prévois une moyenne de 30 km/heure, soit quatre heures de contact intime avec une selle bien dure, auxquelles il faudra ajouter diverses pauses, je partirai donc le matin et ferai un arrêt repas.
Bien que très confiant dans la réussite de ce défi, je me surprends parfois à revoir le film de sa restauration et à avoir des doutes : ce vilebrequin « home-made », ne va-t-il pas s’ouvrir en deux ? Ce volant moteur fixé sans clavetage, est-ce que je ne vais pas le voir me doubler ? Ces pneus à talon gonflés à 2.4 bar, est-ce qu’ils ne vont pas déjanter ? Ce condensateur maison dans la magnéto, ces rayons de roues chinois, toutes ces petites pièces dans le carburateur que j’ai dû refabriquer, ces axes de fourche, ce disque d’embrayage et ses bouchons, la boîte de vitesse reconditionnée, tous ces écrous et vis ne seront-ils pas épris de liberté ....
C'est le jour "J", vérifications d’usage avant le départ : le pneu avant est anormalement dégonflé, et pour cause, elle est belle cette longue épine plantée dans la chambre !
Le premier coup de kick a été le bon, non sans avoir au préalable introduit trois gouttes de mélange dans le cylindre, c’est sûr, ce défi ne lui fait pas peur.
J'en ai fini avec la ville, je peux enfin quitter la quatre voies, mais je me sens plus en sécurité avec mon gilet jaune que je garderai jusqu'à la dernière étape aveyronnaise.
Premier arrêt à Bel Air après 15 km pour compter les boulons, tout est OK sauf le pneu avant qui ne tient pas bien la pression malgré ma réparation, je décide dans un premier temps de multiplier les arrêts pour regonfler, je verrai plus tard s'il y a lieu de changer la chambre à air sur le bord de la route.
La belle descente de La Taillade.
Me voici à Gignac pour une pause bistro, ma "motocyclette" intéresse les passants.
Mais que sont ces vibrations que je sens à l'arrière ? Un ralentisseur m'a fait rebondir sur la selle qui s'est enfoncée et les ressorts touchent le cadre : petit réglage sur le bord de la route.
Les derniers kilomètres jusqu'à Lodève sont du genre monotone.
Après un plein de carburant à Lodève il est temps de faire une pause repas, un pavé de saumon dans l'assiette, la P102 dans le champ de vision, je compte les curieux admiratifs, j'ai connu des moments plus désagréables.
C'est ensuite par le tracé de l'ancienne course de côte de Lodève qu'on s'élève vers le Perthus. J'avale la côte en seconde entre 30 et 35 km/h sans solliciter le moteur au maximum. La tenue de route exemplaire de la P102 me permet de négocier les virages sans ralentir !
Me voici sur la route de la crête, c'est beau, c'est comme en Hollande, il y a beaucoup de moulins à vent mais c'est moins plat.
Tiens, une épreuve que je redoutais un peu : la première vraie descente, celle qui mène à Roqueredonde : le frein moteur sera-t-il suffisant, devrai-je utiliser le décompresseur ou martyriser ce qu'il reste des patins de freins ? Sachez que lesdits patins n'ont servi que très peu et que ma fourche restaurée "aux petits oignons" m'a permis "d'enrouler" les virages et de conserver une vitesse honorable.
Serge m'avait dit : " je t'attendrai à Ceilhes pour t'offrir une glace et je t'accompagnerai pour la dernière étape, il faisait chaud et la glace a été appréciée (il paraît que dans le nord il pleuvait !!! )
C'est reparti, le gilet jaune reste dans le sac.
Pétronille est venue m'accueuillir au col de Notre-Dame.
A Cénomes il n'y avait pas du mélange pour les deux temps, il y avait bien du carburant, mais je n'avais pas la prise électrique normalisée ....
Déjà Brusque, qui a parlé de "challenge" de "défi", de "truc extrême"? "Faites pour rouler", c'est aussi simple que ça !
Huit heures de trajet avec de nombreux arrêts, bistrots, restau, photos, (et regonfler le pneu) , cent-quinze kilomètres au total, vitesse en palier entre 40 et 45 km/h, je pourrais aller plus vite mais c'est la vitesse de confort. Consommation de carburant 5.5 litres aux cents environ, et je n'ai même pas mal au cul.
Remerciements (dans le désordre)
- « Sergio Allais » pour son beau piston à déflecteur,
- « Longeon Rectification », pour le réalésage du cylindre,
- Loulou des « Pétochons du Lion » pour ses bons conseils,
- Peps pour l’alésage des masses du vilebrequin,
- Stéphane pour la soudure des carters en aluminium,
- Jean-Claude W. pour la courroie à maillons même si elle n’est encore utilisée que comme secours,
- Jibé pour ses conseils sur le nickelage,
- Marc F. pour ses conseils sur les dimensions des pneus à talon, et Vintage tyres …. qui ne m’en a pas fait cadeau !
- Pièces allumages pour l’induit de la magnéto,
- l’excellent site http://y.callaud.free.fr/index.html qui m’a rafraîchi les neurones pour le calcul du vilebrequin,
- Les fournisseurs tels que : « Découpe Acier », « Roulements et Courroies », « Bricovis » et les vélos électriques qui utilisent des rayons de roues en inox qui s’adaptent parfaitement ..
- Et je ne suis pas près d’oublier les bouteilles de vin de Faugères qui m’ont permis de récupérer les indispensables bouchons de liège pour l’embrayage.