Elles étaient bien fatiguées ces roues, la rouille perforante avait fait son chemin sur les jantes et la poulie, certains rayons étaient en dentelle et d'autres étaient aux abonnés absents, à part les moyeux récupérables, c'est une reconstruction qu'il a fallu envisager.
Leur état m'a quand même permis de les équiper de pneus à talons neufs de 24x2 1/2 comme à l'origine, pour qu'elle soit belle le temps de faire la photo "officielle. (il a fallu les forceps pour que mon porte monnaie expulse tant de sous pour payer la facture bien enflée par les droits de douane !)
La voilà prête à prendre la route avec ses pneus neufs !
/image%2F1412043%2F20220211%2Fob_f5e992_avant-gauche.jpg)
Les jantes.
Mes tentatives pour trouver de jantes à talon de la bonne dimension n'ont pas abouti, j'ai dû me rabattre sur une refabrication au bon diamètre mais trop large : 54 mm au lieu de 44 mm. J'ai eu l'occasion dans mon insouciante jeunesse d'élargir des jantes de voitures "vroum-vroum" en faisant du découpage et de la soudure de demi-jantes, aujourd'hui je vais faire l'inverse : découpe d'une bande de 10 mm et soudure des deux bords pour réduire la largeur.
/image%2F1412043%2F20211110%2Fob_7129c2_20211018-170531.jpg)
A part la question de la largeur, ces jantes roulées en tôle de 1.5 mm nécessitent quelques retouches : déformation dans la zone du raccordement par soudure et bords de retenu du talon de largeurs inégales et de toute façon trop grands et non arrondis, le pneu aurait vite fait d'être cisaillé, on verra ça plus tard.
/image%2F1412043%2F20211110%2Fob_55eb6e_20211013-174143.jpg)
/image%2F1412043%2F20211110%2Fob_7c897a_20211013-173804.jpg)
En avant pour le bloc opératoire, première étape, la cure d'amaigrissement. Découpe, ajustement de la planéité sur une vitre épaisse en guise de marbre, pointage bord à bord, c'est un travail très long, je le savais, je préfère travailler à la scie à main et à la lime, je trouve plus facile de faire de la précision qu'avec la disqueuse.
/image%2F1412043%2F20220205%2Fob_9c77e6_20211018-175123.jpg)
/image%2F1412043%2F20220205%2Fob_a9dbef_20211018-182116.jpg)
Contrôle le planéité avec un jeu de cales sur mon "marbre".
/image%2F1412043%2F20220123%2Fob_f643ef_20211019-162220.jpg)
Pointage de la première jante avant soudure bord à bord.
/image%2F1412043%2F20220123%2Fob_2a3e56_20211019-182621.jpg)
Et de deux, le cordon final sera réalisé par un "pro".
/image%2F1412043%2F20211110%2Fob_5bfae2_20211029-094200.jpg)
Sur les jantes d'origine la profondeur du logement des talons est de 5 mm, cette valeur est confirmée sur un vieux document, volé sur le net, pour des jantes de dimension semblables. Le bourrelet des pneus dont je dispose fait 6 mm, je retiens cette valeur. Il faut ajuster, le travail très fastidieux est fait à la lime avec un gabarit à base de rondelles pour contrôler la cote.
/image%2F1412043%2F20211110%2Fob_90943a_pneux-10-recadre.jpg)
Sur cette photo les rebords ont déjà été réduits mais il reste encore quelques heures de lime à faire.
Le respect de la profondeur du logement des bourrelets des pneus, c'est bien, encore faut-il arrondir les bords pour ne pas blesser le pneu dans une zone où il est très sollicité. Ce n'est pas facile à réaliser sur la face interne, sur les jantes d'origine l'arrondi est obtenu par un pli de la tôle. Extrait du document précédent.
/image%2F1412043%2F20211110%2Fob_037f1a_pneux-10-recadre-2-pg.jpg)
En fait toutes ces longues opérations précédentes ont été faites dès le début de mes travaux sur cette moto, mais le "pro" qui a fait le cordon final de soudure des demi-jantes ne fait ce genre de travail qu'à ses moments perdus, j'avais été prévenu d'un délai assez long, ce qui ne me dérageait pas.
Je ressors mon "marbre en verre" pour m'assurer que la planéité et la circularité sont acceptables.
Oupss ! l'assemblage des demi-jantes par soudure a coloré l'acier ce qui a révélé un manque de soudure initial au raccordement après roulage !!
Un petit chanfrein, je sors le poste de soudure à l'arc, une petite séance de finition de la face interne à la Dremel et le tour est joué.
A ce niveau du travail je me demande vraiment si fabriquer une cintreuse et les galets qui vont bien pour réaliser moi-même mes jantes à la bonne largeur n'aurait pas été plus facile, rapide et économique (en plus j'aurais pu en faire d'autres pour faire des cadeaux aux amis).
La poulie-jante.
Le propriétaire précédent avait adapté des roues de 125 des années cinquante pour la faire rouler dans son village, il avait pour cette occasion fait réaliser une poulie que j'ai nettoyée et rendue adaptable au nouveau rayonnage après quelques finitions.
/image%2F1412043%2F20211110%2Fob_96903b_20211020-094901.jpg)
Comme je suis du genre "maso" je préfère réaliser des montages à blanc pour ne pas risquer de devoir faire des retouches après peinture:
- montabilité des pneus à talon,
- circularité et planéité des pneus avant rayonnage,
- validation du rayonnage, en particulier de l'adaptation de la poulie-jante.
Dans un premier temps les pneus sont montés sur les jantes dépourvues de leurs rayons et posés sur le "marbre en verre" pour vérification de la planéité et mesure du diamètre entre équerres sur plusieurs axes..... Ouff, tout est bon, il ne faudra pas tirailler sur les rayons de façon asymétrique pour corriger des défauts.
Vous ne le saviez peut-être pas mais sur cette moto il y a deux roues, les deux se sont avérées bonnes pour le service.
Les rayons.
Les rayons principaux de 240 mm et de 35 mm pour la poulie se trouvent facilement en Chine. Les longs sont en inox, les courts étaient zingués, j'ai dû les dézinguer par immersion pendant 3 secondes dans l'acide chlorhydrique puis les nickeler après cuivrage. Je précise qu'en cherchant bien on trouvait des traces de nickel sur les rayons d'origine.
Mesure préalable des déports de jante et de poulie.
/image%2F1412043%2F20220123%2Fob_9c7962_20211020-093605.jpg)
/image%2F1412043%2F20220123%2Fob_70e0cf_20211020-094137.jpg)
Les moyeux.
Le moyeu arrière comporte une roue libre qui sert pour le démarrage à la manivelle : Il a fallu faire preuve de beaucoup de patience et de ruse pour en venir à bout sans rien dégrader : réalisation d'une clé spécifique, dégrippant, chauffe ..... (quelques jurons inconnus au catalogue Facom m'ont aussi bien aidé), avec une réelle envie de réussir on y arrive proprement.
Elle est bien encrassée cette roue libre mais sauvable, les petits ressorts de rappel des cliquets sont bien là, je ne changerai même pas les billes. Le nickelage est à refaire mais pas question de polir au point d'effacer les inscriptions qui montrent le trou où il faut mettre l'huile et qui rappellent le sens du dévissage à gauche.
Après une "rayonectomie" irréversible je peux m'occuper des moyeux.
Il sont fortement encrassés et oxydés, je ne les polirai pas complètement avant nickelage pour ne pas les affaiblir. Les axes, les billes, cônes et cuvettes s'avèrent comme neufs après un bon nettoyage.
Après cuivrage (pas de photo de groupe après nickelage, le moyeu avant à titre d'exemple).
A ceux qui me diront qu'on trouve sur le Ouèbe, des moyeux et roues libres chinois adaptables tout neufs pour "trois-francs-six-sous", je répondrai qu'ils n'ont rien compris à ma passion et que ces "vieilleries" même imparfaitement polies sont bien plus respectables que leur petite cervelle étriquée.
Le rayonnage (provisoire avant peinture)
Perçage des logements des écrous de rayon, le repérage est fait par superposition des jantes anciennes et nouvelles. (je vous rassure, ce n'est qu'un effet d'optique qui fait croire que les jantes neuves sont plus étroites)
Je ne fais le contrôle avant peinture que sur la roue arrière : 40 rayons plus 20 pour la poulie, c'est un travail de patience mais qui ne présente pas de difficulté particulière. Il a seulement fallu refabriquer quelques petits boulons spécifiques qui attachent la poulie aux rayons principaux.
Je vérifie que tout tourne à peu près bien et "répond" bien aux réglages des rayons, la poulie jante de fabrication artisanale est contrôlée avec la courroie en place pour bien prendre en compte la profondeur de la gorge qui n'est pas très régulière. Je ne me prends pas la tête pour obtenir un fonctionnement parfait, le réglage fin sera fait après peinture des jantes.
Les roues seront ensuite dé-rayonnées et je n'activerai l'atelier peinture que quand toutes les pièces à peindre seront prêtes ... et quand la température ambiante sera plus favorable (même si avec 15 d° chez nous dans l'après-midi il ne faut pas se plaindre).
Prix des pneus à talons, travaux interminables sur les jantes, exaspérations ..... Cela n'a pas été une surprise, je l'avais prévu : dans la restauration de cette moto, le poste "roues et pneus" serait de loin le plus europhage, chronovore et grosmotsgène (ou eurovore, chronophage et jurongène, c'est comme vous voulez). Surbookés, fauchés ou oreilles sensibles, passez votre chemin.