L'ultima dont la fabrication du moteur est antérieure à la grande guerre est équipée d'un magnéto à haute tension de marque "France".
Pour la petite histoire, les ancêtres de ce moteur avaient une magnéto "basse tension". Pour faire simple, imaginez une magnéto avec un seul bobinage basse tension dont les vis platinées dépourvues de condensateur seraient déportées à l'intérieur de la chambre de combustion avec la nécessaire cinématique pour en commander l'ouverture et la fermeture provoquant ainsi l'étincelle qui enflammait le mélange. Avec nos yeux actuels ce système semble tordu à cause de la cinématique de commande qui doit être étanche, du risque d'encrassement et d'usure du rupteur qui voyait des carburants de composition chimique hasardeuse, mais :
- le fait de ne pas avoir de circuit à haute tension était un réel avantage à une époque où la réalisation d'isolants fiables résistant aux hautes tensions était très dificile.
- (avis personnel), ce système utilise la totalité de l'énergie électrique emmagasinée au primaire, plutôt que d'en perdre une bonne partie dans son transfert vers un circuit à haute tension par l'intermédiaire d'un noyau de fer obligatoirement non lamellé donc propice aux pertes par courants de Foucault .... On ne gaspille pas les millijoules si durement acquis.
C'était une caractéristique bien en évidence sur les "réclames" : "allumage par magnéto à haute tension", voyons l'objet marqué "FRANCE LYON". Détail amusant il semble bien que cette inscription ait été frappée lettre à lettre, car leur alignement est un peu fantaisiste.
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Selon l'ancien propriétaire elle avait été refaite et il a suffit d'ouvrir le couvercle du plateau rupteur pour constater que tout est très sain même si un petit nettoyage sera le bienvenu.
Avant tout démontage de la moto j'avais tenté d'obtenir une étincelle sans succès mais il a suffit de poser le socle aimanté d'un support magnétique de comparateur sur son aimant en fer à cheval pour trouver une étincelle, certes un peu faiblarde mais révélatrice d'une bonne santé électrique.
Allez, on ouvre mais auparavant je note le N° 2641 frappé sur la base en bronze.
Le plateau rupteur est très propre, les diverses vis et écrous ne portent pas les traces d'intervention de bricoleurs indélicats, j'examinerai tout ça en détail plus tard.
Pas moins de deux charbons de retour de masse... bloqués par divers dépôts.
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J'aime bien ces huileurs avec leur petit couvercle à ressort, par contre je ne comprends pas bien où va l'huile car le débouché semble obstrué par la cage des roulements, à moins que la cale isolante en papier amène cette huile jusqu'aux billes par capillarité ? Celui qui est du côté du pignon comporte une flèche qui indique le sens de rotation.
Le "pick-up de la haute tension est maintenu par un clip élastique, le charbon est en parfait état.
La conception est assez originale : les aimants ne sont pas des pièces rajoutées sur un châssis mais ils font partie de la structure, leurs faces sont usinées pour recevoir et bien positionner les flasques en aluminium ainsi que le socle en bronze (amagnétique) qui les relie. C'est probablement cette structure qui justifié le choix de "tirant" et écrous coniques pour garantir un bon positionnement lors de l'assemblage. (vous êtes priés au passage d'admirer la belle clé "FN" qui ferme le champ magnétique, merci Eric)
Les traces d'usinage laissent penser que la passe de finition a été faite après assemblage des pièces, je ne les démonterai pas.
Une tresse en feutre (bien fatiguée d'un côté) assure l'étanchéité.
Les dimensions de l'induit sont respectables : D = 52 mm et L = 52 mm
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Les pointages sur les têtes de vis de l'induit confirment un reconditionnement antérieur.
L'induit porte des traces peu adhérentes (moisissure?) qui partent facilement après passage d'un pinceau sec. Il n'y a pas de traces de surchauffe ou de "coulage" d'isolant. Cet induit à encore quelques décennies devant lui, de même que le condensateur, je suppose au mica, certainement bien plus fiable que les fabrications actuelles.
Les valeurs des résistances sont standards: 5.46 K Ohm pour la HT et 1.8 Ohm (valeur lue sur un appareil imprécis) pour la BT
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Le collecteur HT ne porte pas de traces d'étincelage.
Le roulements sont en excellent état, probablement changés lors de la révision, seule la graisse séchée qui doit être éliminée et remplacée me donne une bonne raison d'avoir ouvert cette magnéto.
Plateau rupteur : là aussi tout est neuf, après le nettoyage et graissage des axes du rupteur et du toucheau il prendra du service. Seule précaution, un petit coup de lime sur le toucheau qui avait tendance à limiter la possibilité de fermeture du rupteur.
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L'amplitude du réglage de l'avance égale à 20 degrés (40 d°moteur), la mesure est faite par superposition de photos avec décalage angulaire.
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Remarque : cette magnéto tourne à la vitesse moitié du moteur, sachant que l’absence de boîte de vitesse impose une bonne aptitude au fonctionnement à très bas régime. Je pense que le roulage à la vitesse mini "publicitaire" de 6 km/h correspond à moins de 300 t/mn (150 t/mn magnéto), soit la vitesse que j'ai eu l'occasion de mesurer sur le premier tour moteur lors d'un coup de kick de ma FN. Je suppose que le lancement du moteur à la manivelle avec utilisation du lève-soupape doit permettre le même niveau de vitesse de rotation. Je pars donc du principe que la plage de régime d'utilisation de cette magnéto doit être comparable à celle de n'importe quelle moto d'avant-guerre, la seule différence étant que le fonctionnement à 150 t/mn sera plus fréquent.
Bon, et si on faisait des bélugues ?
Après un remontage provisoire, un coup de poignet sur le pignon et ma bougie test s'est illuminée, la longueur d'étincelle maxi est de 8.5 mm en pleine avance et 7,5 mm à l'avance mini, pas mal ! Remarque, l'écartement maxi des grains est limité 0.3 mm car la vis de réglage vient en butée, je devrai corriger ça.
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L'étincelle est négative comme il se doit.
Problème : il n'y a plus d'étincelle au dessus de 1500 t/m, et pour cause : la tension au rupteur évolue comme celle d'un simple alternateur comme s'il restait ouvert. Serait-il maintenu ouvert par la force centrifuge ?
Après avoir tiraillé les lames de ressorts de rappel le problème a été résolu et les performances en terme de longueur maxi d'étincelle qui étaient un peu aléatoires sont devenues plus répétables, la qualité du contact était donc douteuse en fonctionnement dès les régimes moyens. Remarque : sur le plateau rupteur Bosch de ma FN le levier du rupteur est équilibré donc insensible à la force centrifuge, il en est de même pour un rupteur Novi que j'ai eu entre les mains.
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Mesures électriques:
J'aime bien vérifier la bonne synchronisation de l'ouverture du rupteur avec le maximum de courant disponible au primaire. Ma méthode est toujours la même : enregistrement avec une forte sensibilité (20 mV par carreau) de la tension aux bornes du rupteur juste avant leur ouverture, le passage du courant au travers de la résistance de contact du rupteur crée une faible tension de la forme U=RI qui a la même allure que le courant. La règle du jeu est qu'avec l'avance anticipée au maxi, le courant ait eu le temps de s'établir à une valeur suffisante et qu'avec l'avance retardée au mini le courant ne soit pas déjà redescendu à une valeur trop faible.
L'enregistrement est fait aux avances mini et maxi, à bas, moyen et haut régime de rotation, 150, 400 et 1400 t/mn (le double pour le moteur). L'amplitude du courant est représenté par la flèche rouge.
La conclusion est que le déclenchement de l'étincelle est bien réparti autour du pic de courant, on note une relative insensibilité à l'avance aux régimes moyen et haut, mais à très bas régime le courant donc l'énergie de l'étincelle est plus élevé avec l'avance au maxi, ce qui est cohérent avec le conseil souvent entendu d'effectuer le démarrage du moteur avec un peu d'avance, mais m'a toujours étonné car je préfère éviter les retours de kick en mettant l'avance au mini. J'espère que l'énergie d'étincelle sera suffisante pour évoluer à 6 km/h avec l'avance au mini.
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Longueur d'étincelle stable à 100 t/mn (200 t/mn moteur) : 6.5 mm à l'avance maxi et 3.5 mm avec l'avance mini.
Remontage définitif
Retouche du plateau rupteur pour garantir le réglage à 0.4 mm de l'écartement des vis.
Refabrication d'une languette (taillée dans une vieille lame d'égoïne, détrempée, travaillée puis retrempée à l'huile) et de son support en inox pour le maintien du couvercle (je vais être honnête, l'extrémité de la languette qui n'a pas subi de revenu après trempe a cassé quand j'ai dû ajuster son galbe).
Polissage (pas trop car les rayures sont profondes) et nickelage du couvercle et du système de réglage de l'avance,
L'étanchéité réalisée à l'origine par des feutres est faite à la pâte silicone, (mais ne le répétez pas), et la voilà neuve.
Refabrication des ressorts des huileurs.
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Extracteur de pignon d'entraînement.
Lors du démontage du moteur, j'avais dû "bidouiller" pour sortir le pignon de magnéto proprement car il n'y a pas de prise possible pour l'extraire, il est partiellement encastré dans le carter de distribution.. J'avais trouvé son moyeux cassé, très probablement par une tentative précédente d'extraction en faisant levier de travers avec un tournevis.
Faire deux perçages taraudés dans le flasque pour ménager une prise aurait été une solution élégante si ce pignon n'avait pas été trempé dans la masse. J'ai donc réalisé un système de pince inspiré des pinces Schaublin, bien connues des tourneurs, qui serre le petit bout de moyeu de ce pignon : un noyau ajusté, fendu et conique à l'extérieur, un moyeu alésé conique pour serrer le noyau sur le pignon et une vis pression : des photos valent mieux qu'un long discours. Pour une utilisation professionnelle un acier plus noble trempé aurait été préférable, mais je n'ai pas l'intention d'extraire ce pignon tous les jours.
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Bon, je vais pouvoir m'attaquer à la partie cycle .... à peu près indispensable pour fixer le moteur et tester son fonctionnement !