Les copains m'avaient prévenu : "avec ta P102 de 1927 à courroie et ses 175 cc deux temps tu vas t'ennuyer à 40 km/h".
Il ne faut pas toujours écouter les copains, surtout quand on passe l'été dans un coin reculé du sud-Aveyron où les petites routes restées intactes depuis cent ans sont nombreuses.
Pas besoin de prétexte, un moment de temps libre suffit pour ouvrir le robinet d'essence, noyer le carburateur après avoir introduit quatre gouttes de carburant dans le cylindre et se réjouir d'entendre le moteur répondre présent au premier coup de kick, ensuite on va ... n'importe où, ne serait-ce que trente ou quarante kilomètres au gré de mon inspiration et c'est ainsi que "les petits tours sans chaîne s'enchaînent".
Dans les côtes c'est plus la succession des virages que la puissance de mon moteur qui limite la vitesse, dans les descentes c'est mon instinct de survie qui freine mon enthousiasme, les freins n'ayant de frein que le nom . Sur le plat mon compteur, accessoire d'époque en plastique véritable soigneusement étalonné, dépasse les 60 km/heure en pleine vitesse ... mon vilebrequin "home-made" n'explose pas, les pneus à talon ne déjantent pas et la courroie ne se plaint pas et moi, j'ai des moucherons collés aux dents.
Plus que 10 kilomètres et le rodage sera terminé, je vais enfin pouvoir libérer les chevaux (j'aurais pu le faire avant car la motocyclette avait parcouru une centaine de kilomètres quand le compteur a été placé).