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10 février 2014 1 10 /02 /février /2014 18:31

     Cette fois-ci, ni balade, ni clé de douze, je vais juste vous livrer le fruit de mes cogitations sur un phénomène tout à fait connu des vieux de la vieille mais, n'en ayant  jamais trouvé une description détaillée j'ai voulu vous proposer la mienne.

 

     Pour commencer, prenez le temps de regarder cette courte vidéo en écoutant avec attention le bruit du moteur.

 

 

 

 

 

     La scène se passe lors de mon arrivée  à une étape du tour d'Auvergne 2012 avec la FN. Petro's lady filme l'évennement.

 

     Vous aurez noté comment au début, alors que j'évolue presque sur ma lancée avec peu de gaz en cherchant une place pour me poser, le moteur émet un bruit très régulier et très lent, alors que soudainement, sans que la moto n'ait pris de la vitesse, la fréquence du moteur a doublé. A ce moment-là j'ai seulement remis un filet de gaz extrêmement léger.

 

 

 

     Comment expliquer ce phénomène?

 

 

     Je suis sûr que vous connaissez très bien le fameux cycle à quatre temps: admission, compression, détente, échappement.

 

      Vous savez donc que la chambre de combustion d'un moteur possède un certain volume, souvent appelé "volume mort", qui n’est pas nul, De ce volume dépend le fameux rapport volumétrique que l'on définit comme résultat de l'opération: volume balayé par le piston plus le volume mort divisé par le volume mort.


     A la fin du temps d'échappement il reste, dans ce volume mort, un reliquat des gaz de

combustion qui se mèlera au cycle suivant, c'est ce que j'appelle "l'effet mémoire" car la composition de ce reliquat influencera la façon dont va se dérouler le cycle suivant.

 

     Par exemple, si un cycle ne donne pas lieu à une combustion à cause d'un système d'allumage un peu limite, le reliquat est alors constitué de gaz frais au lieu d'être constitué de gaz brûlés inertes comme ceux qui avaient "encombré" ce cycle précédent défaillant, il y a donc de fortes chances pour que le cycle suivant se déroule bien malgré l'allumage un peu  "limite".

 

     Examinons plus particulièrement le cas d'un cycle qui s'est déroulé normalement mais avec un mélange riche (en excès de carburant). Le fameux "reliquat" contient alors des gaz de combustion, mais aussi du carburant non brûlé et pas du tout d'air frais. Ce carburant non brûlé va donc provoquer un enrichissement du cycle suivant.


      La conséquence en est que lorsque le carburateur délivre un mélange riche, le moteur, dans ses entrailles, fonctionne à une richesse supérieure à celle que délivre ce carburateur.

 

      Cet enrichissement est d’autant plus marqué que le volume mort de la chambre de combustion est élevé (rapport volumétrique bas), ça c'est évident, mais aussi que l’ouverture des gaz est faible, pourqoi?

 

 

    Parce que, pour un volume mort donné, la masse de reliquat ne dépend que de sa densité donc essentiellement de sa pression, or la pression qui règne dans le volume mort en fin d'échappement est égale à la contrepression de l'échappement laquelle ne varie que très peu lors d'une petite ouverture de l'accélérateur.

     Cette masse de reliquat a d'autant plus d'influence que la masse d'air frais admise est faible.

 

 

 

 

      Vous suivez?  Alors on poursuit plus loin l'analyse.

 


 

 

      Je ne vous apprendrai pas que la richesse des gaz doit être contenue dans une plage  "d'inflamabilité" pour que puisse avoir lieu la combustion: ni trop riche, ni trop pauvre,.telle est la règle.


 

      Mais alors que se passe-t-il si l'enrichissement dû à l'effet mémoire porte la richesse interne du moteur au delà de la limite d'inflamabilité?

 

      Il n'y aura bien sûr pas de combustion, mais surtout, le reliquat de ce cycle inopérant sera composé uniquement de carburant et d'air frais (pour être précis, il subsistera aussi une petite fraction de l'ancienne mémoire du cycle d'avant, on la négligera).

 

      Quelle est la conséquence sur le cycle suivant?

 

     - d'une part, l'enrichissement du à la mémoire sera plus faible que si le cycle précédent avait brûlé car le reliquat contient aussi de l'air frais.

     - d'autre part, le cycle suivant n'aura pas sa combustion "encombrée" par des gaz de combustion du cycle précédent.


     Toutes les conditions sont donc remplies pour que le cycle suivant se déroule normalement....et laisse une mémoire faite de gaz brulés et de carburant non brûlé sans air frais, qui ne manquera pas d'interdire le bon fonctionnement du cycle qui suivra.

 

 

       On voit ainsi comment un moteur à très faible rapport volumétrique dont le carburateur fournit une mélange un peu trop riche, peut fonctionner de façon stable en ne réalisant la combustion qu’un coup sur deux, c'est ce qu'on appelle "le fonctionnement à huit temps".

 

 

      Comme on l’a vu, le seul fait d’ouvrir légèrement les gaz, diminue l'importance de ce phénomène et permet de sortir de cette condition.

     Dans le cas précis de la vidéo de ma FN  deux autres phénomènes contribuent probablement aussi au retour du cycle à quatre temps:

    1  - la faible ouverture des gaz fait évoluer le point de fonctionnement du carburateur vers un une zone qui est peut-être moins riche,

     2 -  la petite augmentation de remplissage du cylindre peut favoriser la combustion.


 

      Cette situation se rencontre fréquemment sur de vieux moteurs à soupapes latérales, disposition qui impose un rapport volumétrique très faible, et dont la forme de chambre de combustion, qui est loin d’être optimale vis à vis de la combustion, nécessite  une richesse élevée, proche de la limite supérieure d’inflammabilité. ***

      On peut aussi raisonnablement penser que le phénomène est agravé par la vétusté de certains carburateurs  qui ne maitrisent pas toujours leur flot de carburant.

 

 

      Ma FN, avec son rapport volumétrique de 4,5 et son carburateur hors d'âge, remplit toutes les conditions pour être sujette à ce phénomène qui ne manque pas d’impressionner certaines personnes qui me félicitent pour mes qualités de metteur au point en admirant cette vieille mécanique au « poum-poum » généreux, capable de tourner à si bas régime de façon aussi stable et imperturbable, tandis que la moindre ouverture des gaz crée un apparente montée en régime qui promet un brio insoupçonné.


     En réalité on passe seulemement de:


"poum"   "........"    "poum"   "......."     "poum"

                      à:

"poum"   "poum"  "poum"  "poum"   "poum"

 

     Les connaisseurs savent que ce comportement est plutôt révélateur d’un vieux moteur dont la combustion récalcitrante nécessite beaucoup d’essence qu'un carburateur fatigué n'est pas toujours capable de bien contrôler avec précision......

 

.......mais moi, les compliments m'ont toujours fait plaisir et ça m'amuse beaucoup!

 

 

 

*** A noter qu'un phénomène analogue se rencontre également sur certains moteurs à deux temps qui fonctionnent parfois à quatre temps en cas d’excès de richesse.

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commentaires

C
Bonjour, toujours très enrichissant vos écrits. Serais curieux de savoir quelle formation avez-vous suivi ?
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F
Ingénieur mécanicien (ECN Nantes) puis ingénieur motoriste ENSPM ou IFP school) Activité professionnelle chez carburateurs Solex intégré dans Magneti Marelli en 1987)

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