"Une boucle de plus de 1000 kilomètres au départ de Ouarzazate en passant par Agoudal, le plus haut village du Maroc en plein Haut Atlas en communion totale avec la population locale et loin de tout piège à touristes" .... Comment résister à l'invitation de Valérie et Thierry, d'autant plus qu'ils nous ont proposé de jouer les prolongations à Aoulouz, le village où ils ont un pied-à-terre et plein d'amis ?
Une fois n'est pas coutume, ce ne sont pas nos fidèles vieilles machines qui seront mises à contribution mais des "brêles" de location par peur de renouveler une douloureuse expérience de blocage en douane des motos anciennes. C'est ainsi que 15 bons copains se sont réveillés à 2 heures du matin pour gagner l'aéroport de Marseille avec l'envie de profiter à fond de cette aventure, à l'arrivée au Maroc, Abdellah, grand ami de nos organisateurs, nous a rejoint pour faire tout le périple avec nous ... et bien souvent nous aider dans certaines situations.
Le premier contact avec nos "brêles" fut assez déroutant : des machines comme on en voit par centaines dans ce pays, kités à 110 cc : pas de commande d'embrayage mais des vitesses au pied, une commande d'accélérateur pas progressive du tout, des pédales inversées (par rapport à nos vieilles) et une mises au point ... quelque peu perfectible. Les pauvres ne se doutaient pas qu'elles avaient signé pour plus de 1000 km dont une partie sur des pistes ou routes très défoncées, le reste étant fait "poignée dans le coin".
Itinéraire : une carte vaut mieux qu'un long discours, à chaque jour sa couleur.
Lundi 30 octobre : nous allons chez Yacob à Tamnougalte près de Agdz, (72 km)
Après un réglage de soupape la moto de Nathalie démarre enfin, à nous les grands espaces. Waouh!!! que c'est beau !
Dix kilomètres et une première crevaison, la moto est chargée, du côté de Aït Saoun, Pétronille, pas encore très à l'aise sur sa drôle de machine profite de l'occasion pour l'échanger et continuer avec l'assistance.
C'est reparti et je n'échangerai pas ma place contre un bout de saucisson. (Ohhh!)
Même sans moto, Pétronille (c'est écrit sur son tee-shirt) est presque aussi belle que le paysage.
Nous arrivons à Tamnougalte. et accédons à l'auberge par un chemin plus conçu pour les ânes que pour nos deux-roues.
Le coffre du véhicule d'assistance était archi rempli de nos bagages mais on a trouvé une petite place pour la moto en panne, la crevaison sera réparée par un mécano local pour trois franc six sous.
Mardi 31 octobre matin : visite de la casbah et de la palmeraie.
La casbah construite en pisé au 17ème siècle, est un labyrinthe de ruelles et de pièces sombres, on y trouve des quartiers juif, berbère et paysan, tout ce petit monde y cohabitait en parfaite tolérance. Le pisé, essentiellement de la terre compactée, nécessite de fréquentes et coûteuses réparations, ce qui explique pourquoi de nombreuses parties sont aujourd'hui en ruine.
La fraîcheur de la palmeraie verdoyante contraste avec la sècheresse environnante. Le tant attendu "palmier à citrons" ne produit pas d'agrumes mais ses "six troncs" sont chargés de dattes, il nous a bien eu ce guide farceur !
Mardi 31 octobre après-midi : 57 km sont au programme, nous irons à la casbah Ennakb à Nekob.
Le road-book ne comporte qu'une ligne, les étendues désertiques sont belles, nous faisons notre première expérience de passage d'oued vicieux : de loin il semble que ce n'est qu'une petite trainée de sable qui traverse la belle route .... mais il a su calmer définitivement les ardeurs des acrobates involontaires.
Voici la Casbah Enakb.
Mercredi 1 novembre : nous allons à l'auberge Iriki à Tinehrir, 109 km sont au programme.
Une belle lumière éclaire la ville avant le départ. Nous allons monter au col Tizin Tazaret à 2300 mètres d'altitude.
Peu après le départ, je sens un guidonnage inquiétant mais après quelques bons coups de pompe le pneu retrouve sa rigidité et tout rentre dans l'ordre, pourvu que ça dure !
Arrivés au col, nous faisons une bonne pause et une balade à pied.
Tagine chèvre à midi chez Bartin à côté des cultures de safran.
Petite pause et fin du parcours.
Tinehrir au loin.
A l'auberge Iriki à Tinehrir nous jouissons d'une vue magnifique sur la palmeraie.
Petite balade dans la palmeraie et la casbah.
Jeudi 2 novembre : après 115 km nous arriverons à l'auberge Amellagou à Amellagou.
Le soleil se lève au loin, le 4x4 est bâté, nous remontons la ruelle du village, à nous les grands espaces.
Nous voici dans les gorges étroites du Todra, les filles se parent des couleurs locales (il manque Françoise et Cathy).
Le barrage de Toudgha Dam est tout récent, il n'attend plus que la pluie pour se remplir ......
Repas à " l'Auberge Camping panoramique", un bidon bleu, un bidon rouge, c'est la station service.
Un peu de route et une pause au milieu de nulle part en attendant la réparation d'une couronne desserrée et d'un cale-pied qui a perdu ses vis (d'autres motos servent de banque d'organe !)
Si vous n'avez pas compris que la traversée d'un oued impose un peu de prudence voyez l'état de la route !
Peu après le départ c'est à mon tour de crever, qui a dit qu'il n'y avait pas de place dans le coffre ?
Je prends ensuite la machine de Pétronille et me rend compte qu'elle a besoin d'un peu de mise au point.
Voici enfin un peu d'eau et encore de belles gorges.
A Assoul nous trouvons sans difficultés deux mécanos pour réparer tout de suite ma crevaison et faire un toilettage du carburateur et de la bougie de Pétronille qui du coup marchera bien mieux, mon porte-monnaie s'est allégé de trois euros.
Plein "à la main"quelque peu folklo de toutes les motos à Amelagou.
Vendredi 3 novembre : nous irons visiter le village de Tahemdounte à 15 km, le retour se fera de nuit.
Après un peu de route nous arrivons au petit village d'Ahmed.
C'est autour d'un thé et de succulentes dattes qu'Ahmed nous explique le fonctionnement de son association dont le but est d'aider les gens de son village, en particulier les femmes en leur donnant une activité.
C'est beau mais extrêmement pauvre, l'école très colorée comme c'est souvent l'usage paraît perdue au pied de la montagne. Des cailloux plantés et bien rangés ? C'est le cimetière .
Ahmed nous fait visiter son village et la palmeraie bien maigrichonne, la sécheresse qui s'installe a fait fuir ne nombreux villageois, il n'y a plus ni vaches ni moutons, ni lapins dans les maisons par manque de nourriture tant la terre est sèche.
Il n'empêche que ces pauvres gens, qui se trouvent otages du changement climatique alors qu'il n'ont jamais émis le moindre gramme de CO2 de leur vie, vous accueillent pour un tagine à midi et un couscous le soir, tout cela préparé sur un feu de bois dans une minuscule cuisine surchauffée et mal aérée par les femmes dont le sourire en dit long sur leur hospitalité.
A la tombée de la nuit tandis qu'un serpent lumineux trace la route du retour, beaucoup de questionnements se bousculent sous les casques. Ce fut un moment fort de ce périple.
Samedi 4 novembre : c'est à 2400 mètres d'altitude, à Agoudal, à l'auberge Afoud que nous passerons la nuit après 147 km.
L'étape sera longue et les postes à essence rares, nous retournons à la station folklo pour remplir les réservoirs à ras-bord, ainsi que quelques bouteilles.
A nous les grands espaces.
On trouve parfois un peu d'eau et de verdure.
La route devient ensuite plus difficile, lors de l'arrêt pique-nique nous vidons les bouteilles d'essence dans les réservoirs.
Tiens, un épicier ambulant, nous renouvelons notre stock de confiseries pour offrir aux nombreux enfants qui nous saluent au bord des routes ... quitte à faire parfois irruption de façon inattendue sur notre trajectoire.
En route pour Agoudal, après la nature sauvage on retrouve un peu de verdure.
Peu avant l'arrivée, l'essence nous est apportée à domicile par un livreur à moto.
Traverser Agoudal est une petite épreuve, toute tentative d'arrêt photo déclenche une nuée de gamins en manque de bonbons ou sucettes, Xavier y fait un arrêt forcé pour cause de biellette de sélecteur cassée .... mais très vite ressoudée. L'auberge Affoud où nous passerons la nuit à 2400 mètres d'altitude est toute proche.
Dimanche 5 novembre : nous allons à Aït Youl à côté de Boumalne Dadès à l'auberge "les Jardins de Dadès"
Il fait bien frisquet au moment du départ ce qui n’empêche pas les femmes laborieuses d'aller dans les champs.
C'est une belle route toute neuve qui nous amène au col à 3000 mètres d'altitude.
Aussitôt passé le col .... c'est la piste : 20 km de trous et de bosses, nos "brêles" ne sont pas vraiment faites pour ça, peu importe, le paysage est sublime.
Nous retrouvons la civilisation et "l'Auberge des Amis" à Tafkert où les tagines nous attendent.
Si vous n'aimez que la morne plaine, n'allez pas à Boumalne Dadès.
Nous voici à "l'Auberge des Jardins de Dadès" à Aït Youl à côté de Boumlane Dadès. La soirée sera l'occasion de retrouver un groupe de copains qui font eux aussi un périple dans la région mais sur de vraies motos.
Le lundi 6 novembre est un jour férié au Maroc dédié à la "marche verte" pour revendiquer la propriété du Sahara Occidental. Journée de repos pour les motos et farniente pour les pilotes.
Nous visiterons la palmeraie et la vieille casbah le matin et, après un repas à Boulmane Dadès nous irons voir une cascade toute proche.
Et bien sûr comme chaque soir nous tiendrons notre "réunion" pour faire le debriefing de la journée mais ne le répétez pas. 😀
Mardi 7 novembre : on va à Skoura qu'on atteindra après 78 kilomètres.
Il fait bien frisquet au petit matin, le coupe-vent n'est pas superflu.
Après 30 kilomètres de route bordée d'habitations, nous somme en pleine vallée des roses pour prendre un café.
Encore un peu de désert et nous arrivons chez "Le Patron Barbu" à Skoura, village très animé où cohabitent motos, autos, trois-roues, vieilles Mobylettes, ânes ...
L'auberge de Ben Moro n'est qu'à trois kilomètres, nous aurons l'après-midi pour visiter la casbah toute proche.
La casbah se trouve de l'autre côté du vaste oued tout sec.
Mercredi 8 novembre : après la visite de Aït Benadou nous irons à Fint, nous aurons fait 108 km.
Tandis que l'auberge s'illumine au soleil levant, nous pouvons voir au loin la neige sur le Haut Atlas, nous somme partis d'Agoudal à temps !
Une pause, la montagne enneigée est déjà loin.
Le long de la route les marchands de poteries rivalisent de fierté avec de superbes expositions... et les touristes y laissent quelques dirhams.
Après une pause à Ouarzazate pour changer ce qu'il restait de la soupape sur la moto de Nathalie (une formalité pour un mécanicien local), la descente sur Aït Benadou offre un beau panorama.
Ce n'est pas le premier minaret que nous voyons habité par un nid de cigognes.
Petite balade dans la ville, avec Françoise et Xavier nous montons au pas de course tout en haut de la ville.
Il y a longtemps que je n'avais pas crevé, après la désormais routinière opération de vidage des bagages, mise en place de la moto et bourrage des sacs au chausse-pied, je ferai la fin du parcours jusqu'à Fint en passager du scooter d'Eric, en particulier sur les derniers kilomètres de piste où on ne sait pas s'il vaut mieux éviter les trous ou les bosses, cela manquait à mon expérience.
Au début la piste était presque facile, puis il a fallu prendre le chemin défoncé à droite pour arriver à 'l'Auberge de la Roche Noire".
C'est à la lueur d'une lampe électrique qu'un mécano improvisé changera ma chambre à air en échange de quelques petits dirhams, l'une des nombreuses rustines s'étant décollée, la vieille chambre n'était vraiment pas récupérable.
Jeudi 9 novembre : visite de Tazenhardt et retour à Fint après 106 km.
A la lessive tard dans la soirée, au four à pain très tôt le matin, les femmes discrètes veillent à notre confort, belle leçon de générosité !
Un peu de piste et nous arrivons à la grand-route.
Tazenhardt où nous avons mangé dans un café berbère est très animée, le marché est très coloré, par contre les moutons vivants attachés et suffocants dans la terre poussiéreuse, on s'en serait passé volontiers, âmes sensibles s'abstenir.
Le retour à Fint se serait passé sans encombre si Pétronille ne s'était pas cru sur sa Tobec à l'entrée d'un virage : quand on freine avec le sélecteur ça marche moins bien ! Rien de grave, une petite chute presque à l'arrêt, ce qui n'a pas ému les deux femmes et leur âne surchargé.
Nous avons trouvé ensuite la belle route déserte jusqu'à Fint.
Vendredi 10 novembre : après une visite de l'oasis et des ruines de la casbah nous retournons à Ouarzazate à 15 km pour restituer les motos.
Ouarzazate n'est pas loin, la centrale solaire dont la tour surchauffée brille de mille feux nous indique le chemin.
C'est stupéfaits et quelque peu horrifiés que nous avons aidé le loueur à entasser les motos qui venaient d'accomplir plus de 1000 kilomètres les unes sur les autres dans une bétaillère pour retourner à cinq heures de route de là en pleine nuit .
Le reste du séjour est un peu hors sujet par rapport à la vocation de ce blog puisqu'il n'y est plus question de machines "faites pour rouler", mais voici un pot pourri de notre activité pendant les prolongations.
Après la visite visite de Ouarzazate, souk et casbah, nous avons été hébergés chez Valérie et Thierry à Aoulouz, ville absolument pas touristique où la "communion" avec la population locale a été très enrichissante, nous avons fait une belle balade dont 30 kilomètres de piste en voiture non loin de l'épicentre du dernier tremblement de terre, et, pour clôturer ce périple, nous avons visité Taroudant avant d'embarquer à Agadir.
- atelier de mécanique dans la rue
- moulin à argan (les arganiers sont très nombreux dans la région d'Aoulouz)
- rues de Aoulouz et cordonnier servant le thé
- forgeron
- tentes pour abriter les victimes du tremblement de terre
- balade sur la piste au nord de Aoulouz
- Taroudant et son souk.
Quelques réflexions qui n'engagent que moi.
Je ne suis pas un grand voyageur et je dois avouer que j'ai beaucoup appris du contact avec ce "Maroc profond" qui ne connaît pas les mots "agressivité" et "méfiance". La volonté de bien accueillir "l'autre" et de bien le servir passe au-dessus de tout, même les plus démunis ont la théière facile en signe d'amitié et d’accueil spontanés.
Une panne d'essence ou autre, même au milieu de nulle part ? "Machi mouchkil" (pas de problème), le téléphone (arabe) bien plus efficace qu'internet vous amène le bidon d'essence ou vous indique un réparateur proche. Un billet de 50 dirhams tombé du sac dans un magasin ? "Machi mouchkil", il y a toujours quelqu’un pour vous le ramener. Vous cherchez du charbon de bois ? "Machi mouchkil", le premier venu vous accompagne dans un endroit improbable et vous offre ensuite un sac pour ne pas vous salir les mains, même les nombreux chiens errants sont doux comme des agneaux, des exemples comme ceux-ci je pourrais en énumérer des tas, allez encore un autre : avez-vous vu un cordonnier dans son échoppe de deux mètres carrés vous offrir le thé à la commande de vos babouches et remettre le couvert avec en plus pain maison et de l'huile d'olive lors de la livraison ?
Je dois avouer que l'extrême pauvreté de certaines personnes qu'on aurait envie d'aider m'a mis mal à l'aise, même si leurs yeux brillaient de cet omniprésente volonté de bien nous accueillir.
De même la condition des femmes souvent serviles me gêne, elles obéissent à une 'règle du jeu" ancestrale, elles semblent parfaitement respectées mais travaillent dans l'ombre et sans gloire.
Que dire des nombreux enfants heureux de nous lancer spontanément en toute situation un : "bonjour ça va?" tout à fait sincère.
Si le non respect de nos innombrables normes de sécurité infantilisantes vous fait peur, passez votre chemin, la circulation désordonnée, la prise électrique sous le robinet d'eau (qui ne coule pas toujours quand on l'ouvre), les brêles de location qui ne résisteraient pas au contrôle le plus laxiste, les conditions de travail d'une autre époque, les vieilles mobylettes surchargées pilotées en babouches et sans casque .... la liste serait longue, tout cela fait partie du paysage.
Si le Maroc ne vous attire que parce que "ça coûte moins cher" et que vous ne comprenez rien à ce que je viens d'écrire, vous ne méritez certainement pas ce "Maroc profond", contentez-vous de vous entasser dans les zones touristiques plus riches, l'indice de masse corporelle des gens et la qualité de leur dentition ne heurteront pas votre sensibilité.
Je me contenterai de remercier sincèrement Valérie et Thierry de nous avoir fait découvrir ce monde.